En Mai 2007, lorsque nous fîmes restaurer la sépulture d'Aloysius Bertrand, nous luttions contre l'idée même que ce grand poète fût délogé de son tombeau. Les motivations de notre démarche étaient plurielles: le devoir de mémoire, le respect dû à ses cendres, un profond sentiment d'injustice...
En 1935, déjà, la tombe avait été menacée et « remise en état par la ville de Dijon, les Enfants de la Côte-d'or, la Société des gens de lettres et les Amis de Lamartine à Dijon » (Helen Hart Poggenburg, Oeuvres complètes). En 2007, la Société des Gens de Lettres de France n'a donc pas dérogé à la tradition en soutenant avec sa propre souscription notre Association.
Mais ces deux périls successifs au cimetière Montparnasse dus à l'érosion du temps avaient eu un précédent, et ce, dès 1847. Des recherches récentes nous ont appris que Louis, dit Aloysius Bertrand, avait effectivement été le pensionnaire de Montparnasse dès sa première inhumation, le 30 Avril 1841, dans la fosse commune des indigents des hôpitaux et sous le nom de « Ludovic Bertrand ». David d'Angers, seul présent au funérailles, a pu lui faire attribuer une fosse « à part » et marquer l'endroit afin que des funérailles décentes puissent avoir lieu ultérieurement.
L'article que nous présentons retrace ces évènements sur la base de recherches documentaires, administratives et littéraires tout en proposant d'ouvrir l'apparente froideur des faits aux enjeux affectifs qui souvent les accompagnent...
En effet, l'absence de funérailles au cimetière dit « de Vaugirard » et la manière dont fut enterré « à la sauvette » Aloysius Bertrand ne constituent pas seulement le dernier élément d'une biographie.
Le poète était tout-à-fait conscient de sa mort prochaine et de son problématique isolement, à la fois social et familial. Sans la présence de David d'Angers, cette solitude eût été totale et lourde de conséquences. Nous n'aurions notamment pas la chance de pouvoir aller nous recueillir sur sa tombe en nous rappelant, devant l'émouvante stèle contemporaine des secondes funérailles de 1847, que l'auteur d'une grande Œuvre était aussi un être pourvu d'une identité et d'une histoire, aussi douloureuse fût-elle.
Rappelons que lui-même assista son père et son ami Charles Brugnot dans leurs derniers moments. Il avait vu la mort de près et savait pertinemment que son propre devenir post-mortem était plus qu'inquiétant. Cette angoisse fut largement portée par David d'Angers chez qui la question, de la disparition et de l'immortalité, était prépondérante.
Ce travail a été déposé en avant-première de La Giroflée n°5 (dépôt légal Mai 2012, n° ISSN 2106-7600) sous l'égide de notre association. La Giroflée n°5 est à paraître également. Nous avons toutefois tenu à l'éditer sous format électronique sur le site associatif dont l'accès est facilité à tous, et qui nous permit dès la fin de l'année 2006, lors de la création de l'association, de jeter de nombreuses bouteilles à la mer de la postérité de notre auteur et de la sensibilité de chacun afin de récolter les fonds nécessaires au maintien d'Aloysius Bertrand dans une sépulture éminemment symbolique et signifiante.
La poésie, bien sûr. Mais le poète, d'abord.
Le cimetière Montparnasse, vue de la Tour. Photographie Fabrice Pécher. |
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