Document inédit: extrait d'une lettre de Mme Brugnot à Louis Bertrand

L'extrait de lettre reproduit ci-dessous est une image directement issue de l'original, daté du 13 Juillet 1832. Madame Brugnot y remercie Louis Bertrand pour son article nécrologique sur son mari, qui a paru quelques jours plus tôt dans le Patriote de la Côte d'Or.


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Lettre Mme Brugnot


article nécrologique de Charles Brugnot par Louis Bertrand

Article nécrologique écrit par Louis Bertrand sur son ami Charles Brugnot dans le Patriote de la Côte-d'or. L'écrit est doublé d'un poème funèbre qui date du 13 Septembre 1831 mais ne sera pourant paru que dix mois plus tard, dans le n°62 du Patriote du 7 Juillet 1832 sous la rubrique "Variétés","Littérature", p.2. C'est à cet hommage doublé de l'annonce de la publication prochaine des poésies de l'ami disparu, que Mme Brugnot répondra avec reconnaissance dans sa lettre du 13 Juillet 1832 (publiée ci-dessus). Helen Hart Poggenburg explique dans ses Oeuvres complètes (Champion, Paris, 2005) qu'une brouille entre les deux amis expliquerait ce retard de publication. Mme Brugnot écrira au poète que l'éloignement désabusé de son mari de ses contemporains n'avait en aucun cas entaché l'amitié de Charles pour son ami dont il parla à son épouse jusqu'aux dernière heures. D'autre part le ton de l'article de Louis Bertrand ainsi que le poème qui l'accompagne: "Aux mânes de Charles Brugnot", enfin la datation de ce dernier, montrent que la réciproque était tout aussi vraie, contrairement à ce que stipule Henri Chabeuf.

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Article L.Bertrand sur Ch.Brugnot

Gaspard de la Nuit



Le texte de Gaspard de la Nuit que nous mettons en ligne a été établi à partir de l’édition de Max Milner[1], collationnée avec celle de Jacques Bony[2]
et vérifiée par nos soins sur le fac-similé du manuscrit original conservé à la Bibliothèque Nationale de France (microfilm n° 9141).


I-Repères chronologiques sur l’histoire éditoriale du texte que nous mettons en ligne :

Édité de manière posthume, le recueil de poèmes de Bertrand ne nous est tout d’abord parvenu que par une série d’éditions établies d’après les copies d’un manuscrit autographe malheureusement peu fidèles aux intentions graphiques et poétiques de l’écrivain, avant que ne soit vendu puis acquis par la Bibliothèque Nationale de France, en 1992, un manuscrit original de l’œuvre, rendant ainsi possibles des éditions plus soucieuses de respecter les volontés du poète.


1-Les éditions du XIXe siècle

Les deux tentatives éditoriales de Bertrand ayant échoué (la première chez l’éditeur Sautelet en 1829, la seconde chez Renduel annoncée en 1833 et sans cesse reportée), ce n’est qu’après le décès du poète que Gaspard de la Nuit fut publié.

La première édition date de la fin de l’année 1842[3]
. Elle a été établie à partir d’une copie plus ou moins fautive du manuscrit original déposé par Bertrand chez l’éditeur Renduel[4]
, réalisée par l’épouse de David d’Angers. Quelques mois avant la publication, en septembre 1842, Sainte-Beuve s’est ému « de la médiocre qualité des épreuves, du nombre de fautes, des intercalations qui peuvent "tout brouiller" »[5], ce qui n’empêcha pas l’œuvre de paraître dans une version entachée de fautes, avec une substitution due à Victor Pavie de « L’Écolier de Leyde » au « Capitaine Lazare », jugé « un peu vert pour les premières pages »[6], une transformation de la dernière pièce dédiée « À M. Charles Nodier » en un poème « À M. Sainte-Beuve »[7], et l’absence des dessins que le poète avait souhaité y voir insérés. Le recueil était précédé d’une notice de Sainte-Beuve et suivi de treize « Pièces détachées, extraites du portefeuille de l’auteur », trouvées au moment du décès de Bertrand, mais sans les notes que le poète avait pris soin d’y ajouter, qui ont peut-être, de ce fait, « définitivement disparu »[8].

Victor Pavie a déploré que le livre était invendable pour esquiver la proposition de Mallarmé d’en établir une seconde, enrichie d’une série de tombeaux composés par les plus grands poètes du temps, mais comme l’a montré Lucien Chovet dans son article « La première vogue d’Aloysius Bertrand et du poème en prose dans L’Artiste »[9],
on ne sait pas très exactement quel crédit on doit porter au prétendu désastre éditorial dont Victor Pavie ne cessa de se plaindre, qui ne fut peut-être qu’une « fable »[10].

Toujours est-il que grâce à Auguste Poulet-Malassis, une nouvelle édition « augmentée » vit le jour au début de l’année 1869 chez Pincebourde[11]
« et sans crainte aucune d’un échec commercial »[12], mais malheureusement sans les poèmes à la mémoire de Bertrand dont rêva Mallarmé.


2-Les éditions du XXe siècle antérieures à 1992

En 1925, Bertrand Guégan a publié chez Payot une nouvelle édition de Gaspard de la Nuit, établie sur une copie réalisée par ses soins sur un manuscrit original –peut-être le manuscrit vendu par la sœur de Bertrand à Jules Clarétie[13]. « Plus satisfaisante » que l’édition de 1842, elle reste « entachée de nombreuses erreurs de lecture »[14], mais elle présente l’intérêt d’offrir déjà quelques notes relatives aux aspects génétiques de l’œuvre, par la mention de titres et épigraphes raturés ainsi que quelques variantes.

En 1980, Max Milner offre la première édition critique moderne de Gaspard de la Nuit. Annotée, suivie de « Pièces détachées », d’« Appendices » et d’un Dossier, l’édition est en outre précédée d’une stimulante présentation, qui se propose d’aider le lecteur à pénétrer dans l’œuvre. Max Milner y étudie en effet comment l’œuvre donna naissance au genre du poème en prose par un travail poétique sur les formes, mais aussi sur « les images » correspondant au goût de Bertrand pour l’art graphique et pictural, « les espaces » de la page et du livre que Bertrand explore comme un « émailleur », un « sertisseur » ou un « maître-verrier », les lumières qui traversent le recueil et « en rendent plus mystérieuses les surfaces et les profondeurs », les « durées » qui produisent des effets de téléscopages temporels et participent à la création d’une atmosphère fantastique, les « rêves, sortilèges […] maléfices » et « l’alchimie », qui montrent comment le poète a travaillé sur le « "matériel imaginaire" que lui fournit son époque » et qui révèlent les ombres et hantises de son univers onirique propre. Pour l’établissement du texte, Max Milner ne pouvait toutefois que reprendre le texte de l’édition de Bertrand Guégan.

3-Les éditions du XXe siècle postérieures à 1992

Dans le catalogue de la vente de la bibliothèque de Jacques Guérin qui eut lieu le 20 mai 1992 est décrit un manuscrit de Gaspard de la Nuit, magnifiquement mis en page et calligraphié par Bertrand. Étant donné la valeur exceptionnelle de l’autographe, il a été acquis par la Bibliothèque Nationale de France (qui le conserve sous la cote N.a.f 25260) où il est possible d’en consulter un fac-similé sous la forme d’un microfilm. Le manuscrit permet de connaître les désirs éditoriaux du poète –tant du point de vue de la mise en page que de l’illustration de l’œuvre– et de mieux apprécier son travail de création. Les poèmes présentent en effet de très nombreuses variantes (ratures et ajouts) malheureusement souvent illisibles sur le fac-similé, mais que Jacques Bony est parvenu à déchiffrer, pour plusieurs d’entre elles sur l’original.

Grâce à l’acquisition de ce manuscrit, Helen Hart Poggenburg en 2000, Jean-Luc Steinmetz en 2002, puis Jacques Bony en 2005 ont pu établir de nouvelles éditions du recueil[15], qui offrent de très riches introductions et appareils critiques et permettent de mieux apprécier l’œuvre dont rêva le poète.



II-Nos choix éditoriaux

Nous avons souhaité offrir une édition aussi rigoureuse que possible, mais qui soit destinée à un très large public. Nous avons donc opté pour des principes d’établissement de texte qui soient un compromis entre la première édition critique moderne que fut celle de Max Milner (1980) et la dernière édition scientifique fidèle au manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale de France, élaborée par Jacques Bony et publiée en 2005.

Nous avons pour cela fait le choix d’une orthographe modernisée, sauf dans le cas où la graphie propre à l’auteur avait des enjeux stylistiques (relatifs en particulier à la musicalité du poème) et dans le cas des quelques archaïsmes conservés par Max Milner (« hermitage » ou lieu d’« ermitage » par exemple), que nous avons signalés par des notes. Pour connaître les graphies du poète, ses emplois particuliers de la ponctuation et de l’accentuation, son usage du tiret, du trait d’union, des guillemets ou encore des majuscules, le lecteur peut se reporter à l’édition scientifique de Jacques Bony.

Nous avons également souhaité respecter autant que possible les vœux du poète –exposés notamment dans ses directives à M. le Metteur en page– en ne surchargeant pas les pages de notes critiques : outre les notes de Bertrand, citées en bas de page comme dans son manuscrit et désignées par des astérisques, on ne trouvera donc que quelques rares notes précisant nos choix éditoriaux, désignées par des numéros. Pour l’élucidation de l’origine des épigraphes ou le sens des mots rares ou archaïques non annotés par Bertrand, il est possible de se reporter aux lexiques mis en ligne également sur ce site (« Lexique de Gaspard de la Nuit » et « Lexique des noms propres »).

Pour les mêmes raisons, nous n’avons pas non plus indiqué les variantes issues de versions antérieures au manuscrit ou de ratures déchiffrables. Le lecteur qui en est curieux peut se référer à l’édition scientifique de Jacques Bony ou pourra consulter l’édition génétique du texte qui sera prochainement mise en ligne sur ce site.

N. Ravonneaux.


[1]
Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit,édition présentée et annotée par Max Milner, Paris, Gallimard,« Poésies », 1980.




[2]
Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, édition établie sur le manuscrit original, publiée selon les vœux de l’auteur, présentée et annotée par Jacques Bony,
Paris, Gallimard, 2005.




[3]
Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, avec une notice de Sainte-Beuve, Angers, Victor Pavie, 1842.




[4]
Sur ce point, voir J. Bony, op. cit., présentation, p. 11.




[5] J. Bony, op. cit., p. 13.




[6]
Lettre de Victor Pavie à Sainte-Beuve, 7 avril 1842, cité par J. Bony, op. cit.,
p. 12.




[7]
Sur ce point voir la présentation de J. Bony, op. cit., p. 12




[8] J. Bony, op. cit., p. 13.




[9]
Lucien Chovet, « La première vogue d’Aloysius Bertrand et du poème en prose dans L’Artiste », dans Miscellanées, site de l’Association pour la mémoire d’Aloysius Bertrand, http// : www.lalanguependue.fr., p. 4.




[10]
Ibid.




[11]
Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, édition augmentée, présentée par Charles Asselineau, Paris, Pincebourde, 1868.




[12]
Lucien Chovet, « La première vogue d’Aloysius Bertrand et du poème en prose dans L’Artiste », dans Miscellanées, site de l’Association pour la mémoire d’Aloysius Bertrand, http// : www.lalanguependue.fr., p. 4.




[13]
Sur ce point, voir J. Bony, op. cit., p. 13.




[14] J. Bony, op. cit., p. 13.




[15]
Œuvres complètes, édition établie et annotée par Helen Hart Poggenburg, Paris, Champion, 2000 ; Aloysius Bertrand, Gaspard de la Nuit, édition établie, présentée et annotée par J.-L. Steinmetz, Paris, Librairie
Générale Française, 2002.


Pièces détachées




Sous le titre Pièces détachées extraites du portefeuille de l’auteur, on désigne un ensemble de treize poèmes, proches par leur forme et leurs thèmes de ceux de Gaspard de la Nuit. Ces textes qui n’étaient pas destinés au recueil tel que Bertrand le concevait à la fin de sa vie, ont été soigneusement réunis à l’hôpital, après le décès du poète, par David d’Angers, qui les a ensuite remis à Victor Pavie. Bien que Sainte-Beuve y ait d’abord été opposé, ils parurent à la suite de l’édition originale de Gaspard de la Nuit.

Après la réalisation de l’édition, les manuscrits furent rendus à la famille de Bertrand par David d’Angers ; ils ont disparu depuis, à l’exception de deux manuscrits du dernier poème (À M. David, statuaire) , datés respectivement de 1838 et 1839.[1]

Nous donnons ici les textes en suivant la leçon de l’édition de J. Bony mais dans une orthographe modernisée.

Les poèmes n’ayant pas été destinés à un projet éditorial précis, nous ne les avons pas numérotés.

Des notes de bas de page, empruntées pour la plupart aux éditions critiques modernes[2], éclairent le sens de quelques termes et l’origine des titres et épigraphes.

N. Ravonneaux

[1] Voir la note de J. Bony dans Bertrand, Gaspard de la Nuit, Paris, GF-Flammarion, 2005, p. 403.

[2] Ces éditions sont celles de Max Milner (Poésies/Gallimard, 1980), de Jean-Luc Steinmetz (Le Livre de poche, 2002) et de J. Bony (GF-Flammarion, 2005)